dimanche 11 mars 2012

Bernard Réquichot


Bernard Réquichot est un peintre français, né le 10 octobre 1929 à Asnières sur Vègre (Sarthe), dans la maison familiale  Saint-Gilles où il habite jusqu’à ses 5 ans. Son père y est exploitant agricole.
De 1934-1947, la famille Réquichot s’installe à Corbeil, dans la banlieue parisienne. Le père de Bernard est agent d’assurances jusqu’en 1959. La maison de Saint-Gilles est louée, Réquichot passera alors ses vacances chez  ses grands-parents maternels  en Aveyron et ses grands-parents paternels en Bourgogne.
En 1941, Réquichot commence à peindre. Il peint une série de tableaux d’inspiration religieuse, où domine le thème christique.
Il est externe ou pensionnaire dans diverses institutions religieuses jusqu’en 1945.
Entre 1945 et 1947, il entre à l’école des Métiers d'art, rue de Fürstenberg, puis à l’Atelier Corlin, également à Paris.
La famille Réquichot reprend possession de la maison de Saint-Gilles comme maison de campagne. Ce lieu sera plus qu’un refuge, un lieu de résonance intime, et c’est des champs avoisinants que surgira un jour le premier reliquaire.

De 1947 à 1951, il fréquente divers ateliers libres, l'école dite, à l'époque, des «métiers d’art », l’Académie Charpentier en 1947 et 1948, où il rencontre le jeune peintre Jean Criton, les Métiers d’Art en 1949, et les Beaux-Arts en 1950 où il suit pendant deux ans des cours de gravure. Il y est reçu second au concours d'entrée. En même temps, il rédigea le Cahier orange et le Cahier vert (1953-1958), notes et réflexions qui seront publiées, en partie après sa mort, dans l'Arc et dans la N.R.F.  Influencé par sa rencontre avec Jacques Villon, il réalise ses premières œuvres d'inspiration cubiste.
Guerre des nerfs

 Il allait aussi, régulièrement à la Grande Chaumière pour dessiner, et il y rencontra Daniel Cordier en 1951.
Réquichot peint la série des grosses bonnes femmes et réalise des dessins au crayon gras et au fusain (nus, drapés, chaussures, crânes, volailles). C’est une période où il commence également à écrire.
Il habite successivement rue de Varennes, puis rue des Saints Pères à Paris.
Au café Bonaparte, Réquichot et Jean Criton rencontrent chaque semaine un petit groupe de personnes se disant Citoyens du Monde. Ils partagent avec eux les mêmes convictions (non-violence, paix entre les peuples, antimilitarisme, suppression des frontières). Ils adhèrent rapidement à ce mouvement, vendent alors le journal « Le mondialiste », collent des affiches, distribuent des tracts. (d’après le témoignage de Jean Criton).

En 1952, Réquichot peint ses premières études de bœuf, d’inspiration cubiste.
C’est l’année de son service militaire à Nancy qui enraye dans un premier temps son activité plastique, puis il obtient un atelier. Cette période est riche en lettres destinées à Jean Criton et Daniel Cordier.
En 1953-1954, sa rencontre avec Jacques Villon influence sa peinture qui se dirige vers l’abstraction. De 1953 à 1956, il collabore à la restauration de peintures murales de l’église romane d’Asnières-sur-Vègre aux côtés de Mlle Pré, conservateur de musée.
 A l’automne 1954, Réquichot participe avec les peintres Jean Criton et Dominique d’Acher à l’exposition du groupe La Frégate, à Corbeil.
Sa première exposition particulière a lieu en 1955 à Paris, à la galerie Lucien Durand. Sa palette, alors très sombre, évoque grottes ou cavernes (Au commencement, 1954). Mais bientôt Réquichot se met à expérimenter diverses techniques — " Je révisais mon alphabet ", dira-t-il plus tard —, parmi lesquelles le dessin tient une place importante : dessins à l'écriture " bouclée ", où s'organisent des formes rayonnantes, souvent assez viscérales, à partir d'innombrables et dynamiques ressorts ou spirales.
La peinture à l’huile sur toile, carton ou papier est son principal moyen d’expression : raclage de coulées de peinture épaisse, collages de fragments de toiles déjà peintes, peintures au couteau, projection de peinture. Plutôt que des pinceaux, il choisit parfois une pelle à charbon ou un couteau de boucherie trempé dans la peinture.
Il exécute également ses premières boîtes, futurs « Reliquaires », remplies de terre, d’ossements, d’agglomérats de toiles déjà peintes, d'objets et de peinture compacte aux couleurs mêlées, d'une forte densité « magique ». 
 En 1956, il réalise ses premiers dessins à spirales, à l’encre,  à la plume sur papier. Il intègre des collages de fragments de papiers à certaines peintures à l’huile.
En mars 1957, exposition personnelle à la Galerie Daniel Cordier, à Paris. À partir de la même année, Réquichot participe à  quelques expositions de groupe à Anvers, Wiesbaden, Paris.
Domicile et atelier au 8 rue de Courcelles dans un petit studio côté cour.
Systématisation de la spirale se terminant parfois par une impression d’écriture illisible. Approfondissement de la technique du collage que Réquichot nommera papiers choisis, fragments d’illustrations découpés ou déchirés dans des magazines de recettes de cuisine, ou dans La vie des bêtes. Dans ses œuvres bouillonnantes et prolifiques de 1957-1958 (la Guerre des nerfs, 1958) se mêlent les techniques du dessin à spirale, des empâtements de peinture et du collage de papiers déchirés. Il commence aussi, vers cette époque, à introduire dans ses œuvres des éléments de collages, auxquels il s'attachera presque exclusivement par la suite, réalisant, à partir de motifs découpés à un grand nombre d'exemplaires, des compositions très originales (la Moisson des fourmis buissonnières, en papier de reliure, 1958) qui prendront plus tard un caractère fortement obsessionnel.
Papiers choisis
A cette même période, il exécutait quelques grands tableaux, dont le fond blanc était griffé de traces noires presque imperceptibles. Il employait la technique originale des vibrations d’un couteau balayant la surface de la toile » d’après Daniel Cordier.
Réquichot achète une maison à Gignac  dans le Vaucluse, village voisin de Viens où ses amis Jean Criton et Dominique d’Acher étaient installés.

 En 1958, il fait la connaissance du peintre Dado à la Galerie Daniel Cordier.
En 1959, domicile et atelier dans un appartement plus grand, toujours au 8 rue de Courcelles, mais côté rue.
Utilisation de papiers de garde par cadrages choisis et encollages dont le triptyque La Moisson des Fourmis buissonnières. Réquichot se lance dans des grands formats, supérieurs à deux mètres. Il découvre des anneaux en polystyrène dont l’assemblage par dissolution lui permet d’exprimer dans l’espace ses dessins de spirales. Les anneaux de rideau en polystyrène sont trouvés au Printemps et au BHV avec l’artiste Yolande Fièvre.
Le long travail préparatoire est parfois réalisé par d’autres personnes telles que son neveu Odilon Cabat, à l’époque étudiant aux Beaux Arts.
Le dimanche, il rend souvent visite à Dado, à Courcelles-Les-Gisors et recherchent ensemble des ossements chez l’équarisseur. « L’équarrissage c’était la culmination de notre amitié » (Dado)
Il réalise de nouveaux reliquaires remplis de différents objets ( chaussures, racines, coquilles d’escargot, toiles peintes et pliées…)
Réquichot séjourne quelques mois à la clinique de Meudon-Bellevue pour dépression nerveuse.
Ramages étoilés
En 1960, il réalise sa première toile peinte, collée sur papier et mise en forme, pliée et destinée à être suspendue dans l’espace (Portrait, 1961, Paris, MNAM). Les dessins de spirales prennent petit à petit une nouvelle forme, elles s’enroulent sur elles-mêmes et « animent la surface par une lecture indifféremment et alternativement en relief ou en creux. Cette incertitude donne à ses figures un dynamisme qui vivifie leur centre compact, d’où naissent des regards obsédants » (Daniel Cordier).
Le travail d’écriture de Réquichot prend de l’ampleur, notamment par de nombreux poèmes.
Rude journée
En 1961, Réquichot participe à la Galerie Iris Clert, à une exposition collective sur le thème de 41 portraits d’Iris Clert. Réquichot réalise alors Iris Bizarre, toile pliée mise en forme et suspendue.
Apparaissent les châsses de papiers choisis, où Réquichot colle des fragments de photos de magazines formant des reliefs qui habitent une boîte.
Il achève ses sculptures en anneaux dont trois seulement sont répertoriées.
En novembre, il entreprend une série de sept lettres, en fausse écriture, chacune est titrée. Elles sont destinées à présenter sa future exposition à la Galerie Daniel Cordier.
Dans la nuit du 4 décembre 1961, quarante- huit heures avant le vernissage de son exposition, à la Galerie Daniel Cordier, Bernard Réquichot se jette par la fenêtre de son atelier et domicile.
Il  repose au cimetière du Père Lachaise.
 
L'œuvre de Bernard Réquichot, qui ne fut reconnue qu'après son suicide le 4 décembre 1961, se compose d'environ cent tableaux (huiles, « papiers choisis », « reliquaires ») et deux cents dessins (encres de Chine, collages), et l'ensemble de ses écrits (FautusJournal sans datesPoèmes) a été publié à Bruxelles en 1973. Réquichot ne jouait pas au solitaire,  il ne jouait jamais, il était,  et il ne connaissait que ce qu'il était. Il s'étonnait chaque matin de « sentir qu'il aurait pu ne pas renaître ». Et, chaque jour, il s'apercevait que « l'état, l'instant ne se retrouvent plus », que « chaque chose seulement une fois nous frappe d'étonnement, un temps plus ou moins long », qu'« aucune nostalgie ne lui rend de pouvoir ». Il adhérait littéralement à l'émotion de l'instant, qui lui était vertige et qu'il ne pouvait jamais faire revivre. 
 C'était un vrai peintre, qui croyait avec  fanatisme à la peinture et à la transmission des états qu'elle est faite pour enregistrer ; mais il poussait la lucidité jusqu'à se sentir « trop peintre », « trop emmené par la grâce de la jouissance ». Chacune de ses toiles était pour lui « une plaque sensible aux variations des tensions mentales, plaque sensible où ces tensions se fixent à l'instant de leur passage » : des fulgurances chromatiques, des barres, des nervures, des explosions, des entrecroisements et des jets d'énergie pure. Oui, cela était « abstrait », mais non à la manière des esthètes de l'abstraction qui ne songent qu'à décorer une surface vidée de toute substance humaine. Il criait, il se plaignait, il hurlait, il se dénouait, il s'arrachait, il se lançait, il se rejetait, il se broyait, il s'étalait, il se perdait, il se coinçait, enfin il s'exposait lui-même, ouvert et déchiré, à la toile vierge. La peinture était pour Réquichot une gesticulation consciente des nerfs et de la pensée, une ouverture sur le vif : son expérience intérieure n'est pas sans faire songer à Artaud, à Bataille, à toutes les consciences orageuses qui refusèrent d'embrigader l'esprit dans la ratiocination et la joliesse. Il détruisait parfois certaines toiles : « Mes créations ne sont pas faites pour être vues. À un certain degré de dignité, l'émotion néglige la communication et demande la solitude. Elle fuit le regard ou l'approche des autres ; leur appréciation, leur mépris ou leur éloge sont des intrus qui perturbent et malmènent les rouages, la genèse, la perception, l'inquiétude délicate du mental. »
 C'est dans cette « inquiétude délicate du mental » que son œuvre tout entière baigne ; c'est par elle qu'on peut prétendre y accéder, et par nulle autre voie. Peut-être est-ce là le sens occulte de ses Reliquaires, cubes de bois à une seule face ouverte, par laquelle on aperçoit, comme dans une grotte, des stalactites, des stalagmites de couleurs, des formes hybrides, tout un univers en gestation et qui refuse de voir le jour. L'inquiétude du mental y est captée et s'y accroche.
http://www.universalis.fr/encyclopedie/bernard-requichot/ 
 http://www.larousse.fr/encyclopedie/peinture/R%C3%A9quichot/154077

A visiter :
Trace


Extrait de « Les Ecrits de Bernard Réquichot » 1973 (chapitre - Journal sans date)
… Des peintures, j’en ai détruites car elles étaient trop belles. Je craignais d’être victime en  les  voyant d’une aberration ; cette aberration merveilleuse et troublante me semblait trop grave, trop secrète pour être montrée sans impudeur : ce qui nous touche de très près ne peut devenir public sans profanation. Je pensais que personne ne verrait dans ces choses que j’avais faites ce que j’y avais trouvé ; qu’on l’y vît, du reste, n’était pas capital, que l’on comprît, qu’on imaginât n’était pas ce qu’il me fallait. Il fallait qu’on fût pris du même vertige, de la même inquiétude d’illusion et même que l’on comprît qu’un regard indiqué était peut-être coupable. Or comment savoir ce qui se passe dans la tête d’un spectateur, lorsqu’il semble admirer et qu’il paraît ému ? A-t-il vraiment éprouvé la même chose que moi ? La réelle exactitude de la coïncidence de son esprit avec le mien me paraissait invérifiable, donc très douteuse. Je gardais pourtant certains travaux faits dans ces impressions de perplexité ; je les gardais simplement pour moi, ne les montrant pas, refoulant l’espérance trop improbable de trancher l’esprit d’un autre, de la même façon que le mien avait été atteint, le plus beau ayant quelque chose d’immontrable. Mon inquiétude avait aussi d’autres causes, la beauté des travaux que je faisais me semblait si visible que je craignais leur ressemblance avec certaines œuvres anciennes de mes admirations. Entre Dürer et telle de mes nouvelles trouvailles, il n’y avait parfois à mes yeux aucune différence. Cette surprise n’était pas pour moi une joie, mais une nouvelle cause de tourment. Etais-je victime d’une auto-suggestion ? Si j’en avais été certain j’aurais été tranquillisé, j’aurais pu continuer mes essais sans la menace de recommencer le passé…

Atelier rue de Courcelles 1961

 Nekonk tanten tank mana 1959-61

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