dimanche 29 janvier 2012

Asger Jorn


Asger Jorn (Asger Oluf Jørgensen) est né le 3 mars 1914 à Vejrum  dans le Jutland-Central. C’est un peintre danois.
En 1936, à l'âge de vingt-deux ans, il part pour Paris à moto dans l'idée d'étudier auprès de Vassily Kandinsky. Jorn est alors déjà en possession d'une solide culture scientifique et philosophique. Il s'inscrit finalement à l'Académie contemporaine de Fernand Léger et se tourne vers la peinture abstraite. Puis assiste Le Corbusier dans la décoration du pavillon des Temps Nouveaux de l’Exposition Universelle. Les premières œuvres de Jorn, dans les années 1930, en sont nettement inspirées ainsi que par le contexte français. Mais déjà on reconnaît l'expression originale de l'artiste Pendant l'occupation nazie au Danemark, Jorn est communiste actif dans la résistance et participa au groupe artistique HØst. Il peint à cette période des toiles qui sont influencées par  James Ensor, Vassily Kandinsky, Paul Klee ou Joan Miró.
Ainsi on s'Ensor
 Il collabore à la revue « Helhesten ». Il rédige également un essai théorique, Banalités intimes, dans lequel il déclare que le kitsch est l'art de l'avenir.
La première exposition personnelle d’Asger Jorn est organisée à Copenhague (Danemark, 1938).
Dans l’immédiat après-guerre, sous le nom d’Asger Jorn, il participe à tous les mouvements d’avant-garde.
 Il fut l'un des membres fondateurs du mouvement CoBrA (1948 à 1952), né en réaction à la querelle entre abstraction et figuration. Il en sera le théoricien.
Le mouvement CoBrA lui apporte une nouvelle liberté qui le pousse vers l'abstraction, souvent violemment expressive.


Pauvre et malade, il retourne vivre au Danemark en 1951. Il commence un travail intensif sur la céramique en 1953.
Entre 1951 et 1953, Jorn réalise poèmes et essais sur l’art.
Jorn s’installe à Albisola (Italie) en 1954.








Après la fin de l'occupation, les possibilités de libre pensée critique dans les milieux communistes deviennent limitées, à cause de l'autorité politique, plus centralisée. Face au Stalinisme Jorn rompt avec le Parti communiste danois tout en continuant, jusqu'à la fin de sa vie, à se déclarer communiste.
En 1954, Jorn rencontre Guy Debord, dont il partage les idées révolutionnaires, et participe trois ans plus tard à la formation de l'Internationale Situationniste.
 Dans ce contexte il met en pratique ses connaissances scientifiques pour développer ce qu'il nomme la technique «situlogique ». Pour Asger Jorn, art et politique sont liés dans le situationnisme, dont il applique les principes alternatifs à sa peinture.
Il motive la fusion du MIBI (mouvement international pour le Bauhaus imaginiste qu'il avait fondé en 1953 avec Enrico Bay, en réponse à la création de l’école d’arts appliqués d’Ulm (Hochschule für Gestaltung) par Max Bill, de l’Internationale lettriste et du Comité psychogéographique de Londres, en un seul mouvement unifié : l'Internationale situationniste en 1957.
En 1959 et en 1962, Jorn produisit deux grandes suites de peintures détournées : les Modifications (1959) et les Nouvelles défigurations (1962). Dans les deux cas, il s'agissait de tableaux quelconques, paysages ou portraits, des œuvres trouvées sur les marchés repeints à même la surface, et à sa manière. Chaque tableau, réinterprété picturalement dans sa singularité expressive et signifiante, était relancé par la modification (détournement) de sa valeur intrinsèque.

Ces modifications relevaient tout autant du détournement tel qu'il fut avancé par les situationnistes que d'une critique centrale du caractère limité de l'activité artistique moderne dans les nouvelles conditions sociales du capitalisme triomphant de la fin des années 1950 et du début des années 1960.
À l'occasion de leur exposition, à Paris en 1959, il écrit dans le catalogue un petit manifeste iconoclaste qui témoigne à la fois de son sens de l'ironie acidulée et de son humour infaillible : « Soyez modernes, collectionneurs, musées. Si vous avez des peintures anciennes, ne désespérez pas. Gardez vos souvenirs mais détournez-les pour qu'ils correspondent à votre époque. Pourquoi rejeter l'ancien si on peut le moderniser avec quelques traits de pinceau ? Ça jette de l'actualité sur votre vieille culture. Soyez à la page, et distingués du même coup. La peinture, c'est fini. Autant donner le coup de grâce. Détournez. Vive la peinture ! »

 Autant donner le coup de grâce. Détournez. Vive la peinture ! »
Il réalisera par la suite un ensemble de « drippings », puis, à partir de 1964, une série de « Décollages » dans lesquels apparaissent des personnages aux formes simplifiées.
En 1961, il quitte l'IS pour fonder l’Institut scandinave de vandalisme comparé (voir La Langue verte et la Cuite, avec Noël Arnaud, qui lui a valu d'être nommé Commandeur Exquis de l’Ordre de la Grande Gidouille. En réalité, après 1961, Asger Jorn continue à collaborer à l'IS pendant encore un an, sous le pseudonyme de George Keller (Raspaud et Voyer, L'Internationale Situationniste, Protagonistes, Chronologie, Bibliographie (avec un index des noms insultés), Champ Libre, 1972). Son système philosophique, ou Triolectique, a donné naissance à une manifestation pratique par le développement du football à trois côtés.






 Hostile à toute forme d'autorité, l'artiste reçoit en 1964 le prix Guggenheim, assorti d'une belle somme. Ce à quoi il répond par un télégramme outré : « allez en enfer — refuse le prix — ne l'ai jamais demandé — indécent de mêler un artiste à votre publicité contre sa volonté — je veux la confirmation publique que je n'ai pas participé à votre jeu ridicule »... Ce refus du prix Guggenheim aura un fort retentissement international.
Par ailleurs, Jorn réalise travaux de céramique, collages, puis en 1964 décollages et papiers déchirés et recollés ensuite. Après s’être passionné pour la photographie scandinave et avoir monté une collection de photos, il entame en 1966 une nouvelle phase de création picturale importante.



La luxure lucide de l'hyperesthésie




Asger Jorn a également réalisé de très nombreux dessins. Entre 1957 et 1972, il en donna plus de cinq cents au Musée de Silkeborg au Danemark, qui conserve le fonds le plus important de son œuvre.
C'est à partir de cette collection qu'un ensemble d'environ cent dessins a été sélectionné pour constituer la première exposition personnelle de Jorn dans un musée parisien depuis 1978.
Ces toiles sont souvent provocantes, ce qui est en partie à l'origine du débat sur la bonne et la mauvaise peinture.
L'art d'Asger Jorn est essentiellement spontané, dynamique et coloré. Son art figuratif, d'une grande intensité expressive, est marqué par la mythologie scandinave et son bestiaire fantastique.



Le canard inquiétant

Grâce à une œuvre éclectique et à un certain caractère, Asger Jorn est l'un des artistes qui représentent la contribution du Danemark à l’histoire de l’art du XXe siècle.
Asger Jorn est mort le 1er mai 1973 à Aarhus au Danemark à l'âge de cinquante-neuf ans. Il est le frère de  JØrgen Nash.
Le musée Jorn se situe à Silkeborg, dans lequel Asger Jorn a créé un département d'art contemporain et auquel il a laissé une importante collection. Ses œuvres sont aussi présentes dans tous les grands musées d'art moderne de la planète mais aussi dans certains grands musées danois.
http://www.evene.fr/celebre/biographie/asger-jorn-30958.php
http://fr.wikipedia.org/wiki/Asger_Jorn
http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/AllExpositions/F347EEEC8BEA4378C12574EA003003DF?OpenDocument&sessionM=2.2.1&L=1
http://arts.fluctuat.net/asger-jorn-2.html
http://www.registre-des-arts.com/peinture/asger-jorn-1914/

Asger Jorn à Silkeborg 1953
Asger Jorn devant sa maison sur la petite île danoise de Læsø, 1968
Nouvelles Défigurations 


Le droit de l'aigle
A visiter:
http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/archive/2009/01/11/asger-jorn-au-centre-beaubourg.html
http://www.mchampetier.com/biographie-Asger-Jorn.html
http://www.lefigaro.fr/culture/2009/02/10/03004-20090210ARTFIG00363-asger-jorn-l-artiste-a-vif-venu-du-froid-.php
http://raw.marz-chew.fr/2008/03/asger-jorn-lunivers-dun-cobra.html
http://espacetrevisse.e-monsite.com/pages/autres-artistes/cobra.html
http://debord-encore.blogspot.com/2010/04/asger-jorn-1914-1973-cofondateur-du.html
http://users.skynet.be/bk212103/asger_jorn.html


Les 3 sages 1955
Mine de rien ou presque
Sine Domine 1958
Spadommen 1951
la rammsmatteur invincible (1964), via Galerie Birch
Untitled (1956-57), via The Solomon R. Guggenheim Museum
visite importune (1956), via Museum Jorn
Asger Jorn, Superiorita Disordinatam, 1966. Acryl auf Papier und Leinwand
Asger Jorn; Lustige Vorgänge, 19571958 ( http://kultur-online.net/ )

lundi 16 janvier 2012

Franz Pohl





(extraits de « Les primitifs du XXème siècle » aux éditions TERRAIL, Jean-Louis Ferrier, 1997)
La démence créatrice
Le cas le plus fascinant des capacités créatrices exaltées par la folie est celui de Franz Pohl. Né en 1864 dans le pays de Bade (Allemagne), Pohl était un ferronnier d’art qui fit ses études à l’Ecole des Arts figuratifs de Munich et à celle de Karlsruhe avant de devenir enseignant dans une école professionnelle, emploi qu’il perdit au bout de quelques années en raison de son arrogance. Grand amateur de théâtre et de maisons closes, pour lesquelles il dépensait beaucoup d’argent, il vit son délire de persécution prendre rapidement de l’ampleur au cours de l’hiver 1897-1998, alors qu’il vivait à Hambourg. Il rapportait à lui-même ce qu’il subissait au théâtre, où il croyait entendre de tous les côtés des injures qui lui étaient adressées. Il était certain que les gens l’épiaient à travers sa serrure, de telle sorte qu’il se trouva contraint de déménager. Dans le tramway qu’il prenait pour rentrer à son domicile, lorsque le receveur criait en bout de ligne : «Terminé », il comprenait : « Il est toqué », ce qui le poussait à s’en prendre à lui.




Retourné dans son pays natal, au cours d’un voyage, il tira la langue au chef de train qui, prétendait-il, lui en avait fait autant. Il avait également des hallucinations auditives et gustatives. Interné dans diverses institutions dès 1898, il fut assassiné par les nazis en 1940.
De petite taille, la tête assez grosse, les cheveux et la barbe noirs, des yeux vifs de souris, il était calme et très maniéré. Son dossier clinique ne mentionne que de rares colères ou violences contre les autres malades. Pendant toutes ses années asilaires, il resta la plupart du temps tranquillement à dessiner, écrire ou composer de la musique, donnant des réponses laconiques aux questions qu’on lui posait. Il accueillait les visiteurs avec méfiance et déployait beaucoup de ruses pour tenter d’empêcher qu’on regarde ses œuvres, trouvant sans cesse de nombreux prétextes pour retarder l’ouverture du ballot ficelé dans lequel il les cachait…
… Pohl avait donc bénéficié d’une formation complète dans le domaine des arts avant de se détourner du monde. Peu après son internement, il se mit à dessiner des scènes de la vie asilaire : séance de rasage dans une cellule, devant une fenêtre grillagée, où l’on voit un malade de dos, assis sur une chaise, accompagné d’un infirmier qui tient un rasoir à la main ; études d’attitudes de malades qui posent pour lui ; vue intérieure d’une salle de repos avec le mobilier et quelques aliénés hagards ou affalés…


Ces dessins sont accompagnés de commentaires abscons qui relèvent de son état psychotique ; mais pour le reste, s’ils témoignent d’un certain savoir-faire, notamment dans le rendu de la profondeur, ce sont de simples croquis sans valeur esthétique. Il est même étonnant de constater qu’un malade mental ait pu dessiner de manière aussi banale, dans le style platement descriptif qui caractérise les illustrations qu’on trouvait à l’époque dans les manuels scolaires. L’enseignement qu’il a reçu et celui qu’ensuite il a donné persistent en lui : le tremblement de son esprit n’a pas encore mis au jour ses richesses insoupçonnées et sa formation artistique, loin d’en favoriser l’extraction, ne fait pour l’instant, que l’entraver.
Aussi est-ce quelques années plus tard, lorsque sa schizophrénie se fut considérablement aggravée, que Pohl deviendra un grand artiste.