Gérard Lattier est né à Nîmes en 1937. Peintre-conteur, imagier, inclassable, il dit et peint le rugueux
du vécu comme les floraisons du vivre. Avec humour et amour.
Il vit et peint entre Poulx
(Gard) et Ruoms (Ardèche) d’où sa famille est originaire et ses attaches
profondes. Il perd très tôt son père :" En 1944 mon père est mort
sous les bombes américaines et ça a été la misère ma mère demandait rien,
aussi on lui donnait rien ".
Puis ce sera le Collège Technique, " pour
être cordonnier, et j'étais gros au milieu des maigres et on me faisait caguer
pour ça ! Heureusement il y avait Mon Pays d'Ardèche et les vacances ".
Il commence à gagner sa vie en nettoyant les toilettes
de la piscine municipale de Nîmes, puis, à vingt ans, refusant de faire la guerre
d'Algérie, il est interné " avec un certificat de folie militaire
".
"
Je me suis retrouvé chez les fous sans lacets ni cravates des fois qu'on se
serait pendus ! Mais j'ai pu peindre tout mon saoul c'était même la seule fois
que la société m'a pris en charge et m'a nourri pour faire des tableaux. Quand
je suis sorti de là j'étais moitié calu mais je savais que j'allais peindre
sans me censurer
". Il entamera en ces lieux fermés une oeuvre érotique et
fantasmagorique hallucinée. Ces oeuvres impressionnèrent les artistes tels
Clovis Trouille et Pierre Molinier, qui virent en Lattier le futur grand
“Peintre de l’Art Noir”.
Employé,
très jeune, à la mairie de Nîmes comme
dessinateur, Gérard Lattier ne
va plus cesser de peindre la nuit après le travail, des tableaux où angoisse et
fantasmes seront omniprésents. Il peint
des monstres, des êtres hybrides, tout un univers fantastique à la Goya, à la
Bosch, à la Dado.
la bête du Gévaudan |
Des
huiles, des gravures à l'eau-forte, des dessins à l'encre de Chine, des lavis,
qui célèbrent des désirs inavouables, des tentations interdites, l'homme en
proie à sa Bête intérieure et à ses démons : des tentateurs, des tourmenteurs,
des dévoreurs, des sacrificateurs… jusqu’à une dépression en 1965.
Là,
tout s’arrête, plus de lumière dans les yeux, une cécité subite lui fera
abandonner ces gouffres pour adopter une imagerie résolument tournée vers la
vie. Une dépression " qui se porte aux
yeux, je ne peux plus fixer, je ne supporte plus la lumière, je ne bande plus,
le corps refuse d'aller plus loin. Merde ! : coureur à pied, j'aurais sans
doute été paralysé des jambes ".
Sa
rencontre avec Annie, qui veut bien de lui dans l'état où il est, le guérit :
" Annie m'a ramassé et m'a fait un petit et ça ! c'est une bonne
raison de vivre ! " Il guérit, reprend les pinceaux, réinterprète en
guise d'exorcisme La Crucifixion de Grünewald, et peut alors s'engager
dans une autre voie.
Histoires des mutineries de 1917 que m'a raconté mon voisin de la rue Sully |
Elle lui
redonne goût à la vie et à la peinture, l’univers des petites gens, les histoires racontées
par les anciens, les figures issues de la culture occitane et, omniprésents,
les récits relatant les tragédies de la dernière guerre. Il deviendra faiseur-montreur-diseur
d’images peintes recueillant la mémoire populaire avec ses peurs,
ses préoccupations, ses révoltes, tout un discours antimilitariste, bref une
vaste culture orale, ainsi que l’écrit Pierre Gaudibert, dans le premier
ouvrage paru aux éditions de Candide en 1981.
Histoires des mutineries de 1917 que m'a raconté mon voisin de la rue Sully |
Depuis, il a le regard malicieux, la parole ouverte
et revendique la seule vraie liberté « celle du dedans la tête ». Une
liberté chère à Ferdinand Cheval, dont il se sent frère ou fils du facteur.
Puis,
il se consacrera à "raconter" des histoires peintes récoltées auprès
des siens, de ses amis et de ses rencontres.
les pardons |
Issu
de cette immémoriale lignée des "peintres populaires raconteurs
d'histoires", de cette peinture primitive oubliée de l'Histoire de l'Art
qui perdure encore en certains endroits, si on sait y porter attention. Gérard
LATTIER est en quelque sorte le reflet de nos questionnements sur un monde en
profonde évolution.
Sa peinture se nourrit des histoires transmises, réinventées et réenchantées à l’aide d’un langage qui lui est propre, dans un déploiement de tout le corps: la main, l’esprit, la voix, le geste.
Oncle Joseph |
Les
personnages, alors incarnés en couleurs, en mots et volume sonore viennent
hanter notre imaginaire; l’univers qu’il crée, entre émerveillement et
tragédie, entre passé et présent, ici et ailleurs, accueille chaque nouvelle
figure à la manière d’une pièce manquante qui viendrait prendre place dans
le grand puzzle du monde.
Vieille prière bouddhique hommage à Lili Boulanger |
Au fil des
années sa palette s’est faite plus lumineuse, et dans Les Evangiles, série réalisée entre 2006 et 2010 il retrouve les
couleurs du Jardin des délices de Jérôme Bosch, après qu’il ait privilégié les
teintes sombres et chaudes, celles des enfers chez le peintre flamand. Et c’est
sur un ton très libre et subversif, cru mais proche de l’essence du texte,
qu’il nous transmet le message des Apôtres.
Durant quatre années, le peintre Gérard LATTIER a
conçu une série de 42 tableaux racontant une histoire mythique et pourtant bien
réelle : l'histoire de La Bête du Gévaudan (" C'est le voyage au pays de
la Bête du Gévaudan. Ce voyage-là, il me dure quatre ans avec, au bout du
voyage, la Bête qui me tend le miroir, je me suis regardé dans le miroir, j'ai
demandé Pardon "). C'est une histoire de paysans et de soldats,
d'évêques et de curés, de nobles et de roturiers, de chasseurs et de
rabatteurs, une histoire d'une région déshéritée du centre de la France, une histoire
qui se passe quelques années avant la Révolution française, l'histoire d'une
bête qui, de 1764 à 1767, tue et tue encore plus de 100 personnes. A travers
ces images naïves et brutales à la fois, c'est aussi l'histoire de nos peurs
enfantines, l'histoire de toutes les peurs. Un livre débordant de couleur et de
truculence, un livre qui met de bonne humeur et se révèle donc particulièrement
précieux.
Lattier ne vend pas ses histoires peintes. Elles sont faites pour se fixer dans la mémoire collective, pour tenter de lutter un peu contre le silence ou l'amnésie collective. Alors, lui qui maîtrise parfaitement la technique des grands maîtres de la figuration, il n'hésite pas à jouer des effets de la disproportion, de la fausse perspective, des anachronismes (ce qui donne à sa peinture un faux air naïf), pour toucher, interpeller son vis-à-vis, l'obliger à réagir, à prendre la distance nécessaire à la réflexion. Libérant les émotions, il aimerait dénouer les langues, faire partager sa soif d'équité, sa haine de la guerre, son mépris des hiérarchies. Une sorte de gai-savoir et de cri du coeur qui en appelle à la fraternité et au bon sens de l'autre.
http://www.galeriemirabilia.fr/artistes/G%C3%A9rard-Lattier/biographie-42.html
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