Joël Lorand est né en 1962 à Paris.
Quand on
regarde le travail de Joël Lorand, on songe aux mythologies antiques, aux
bestiaires médiévaux, à Jérôme Bosch revisité par Victor Brauner, aux constructions
chimériques d’Adolf Wölfi, aux fresques médiumniques d’Augustin Lesage. Jardin
imaginaire, univers souterrain ? Gangue, utérus, chrysalide ?
Tourbillon de formes animales, végétales et humaines ?Peu importe. Cette poésie de l’insolite ouvre la voie à de multiples interprétations.
Le dessinateur maximaliste voit dans ses créations la métaphore d’une humanité crépusculaire.
« On n’a jamais été autant en danger à l’échelle planétaire. Nous vivons à l’aube du chaos. » Il exalte la mission prophétique -« presque chamanique »- de l’artiste. «C’est un message d’alerte pour une société qui court à sa perte, malade du risque technologique, du péril écologique… En même temps, parce que je suis un pessimiste qui espère, je parsème aussi des guirlandes de fleurs, des farandoles de cœurs pour rattraper le côté sombre de ma vision. »
Un diplôme de pâtissier en poche,
il trouve une place dans la capitale.
« Le métier me plaisait, le règne des odeurs, des couleurs, des saveurs.
La lassitude est venue bien après. ».
En 1994, trois mois avant la naissance de son fils, il entre en peinture. « J’avais moi aussi besoin d’accoucher de quelque chose. » Il commence à peindre en autodidacte, avec fusain, gouache, huile, crayons de couleurs et même en utilisant parfois ses anciens outils de pâtissier.
En 1994, trois mois avant la naissance de son fils, il entre en peinture. « J’avais moi aussi besoin d’accoucher de quelque chose. » Il commence à peindre en autodidacte, avec fusain, gouache, huile, crayons de couleurs et même en utilisant parfois ses anciens outils de pâtissier.
Son
dessin violent, nerveux, gestuel, au début est devenu plus posé, plus patient,
plus précis. Aujourd’hui, il travaille essentiellement sur carton avec pastels
et crayons de couleurs produisant des œuvres très construites où trônent des
femmes végétales aux ventres remplis.
« Un autodidacte est sans bagages.
Il doit faire son propre apprentissage. J’ai acheté des livres, je suis allé
voir des expositions…, mais on met du temps à se trouver et le parcours est forcément
semé de ratés. »
Ses sources d’inspiration ? « Je me laisse guider par ma voix intérieure. Je fais vraiment confiance à mon subconscient. »
« La technique, c’est un peu comme en cuisine. Ce qui compte, ce n’est pas la recette, c’est ce qu’il y a dans l’assiette. »
« Parfois, je ne sais pas si la faculté de créer est un don du ciel ou un don du diable. Cela a induit un bouleversement radical dans ma vie. Je dessine au moins huit heures par jour week-ends compris et ce travail obsessionnel, jouissif bien sûr, occasionne aussi des dommages collatéraux. Il absorbe toute mon énergie psychique. Il m’isole des autres. »
Ses sources d’inspiration ? « Je me laisse guider par ma voix intérieure. Je fais vraiment confiance à mon subconscient. »
« La technique, c’est un peu comme en cuisine. Ce qui compte, ce n’est pas la recette, c’est ce qu’il y a dans l’assiette. »
« Parfois, je ne sais pas si la faculté de créer est un don du ciel ou un don du diable. Cela a induit un bouleversement radical dans ma vie. Je dessine au moins huit heures par jour week-ends compris et ce travail obsessionnel, jouissif bien sûr, occasionne aussi des dommages collatéraux. Il absorbe toute mon énergie psychique. Il m’isole des autres. »
Scotchée sur un
placard de l’appartement en garde-fou, cette maxime de Picasso : « Le bon
goût est le contraire de l’art. »
Il faut
regarder longtemps les œuvres de Joël Lorand, suivre les chemins tracés par ses
liserons ombilicaux, sortes de tuyaux de perfusion qui dosent la sève
nécessaire à la vie. L’humain ne peut vivre sans le végétal, mais ce végétal
peut aussi l’étouffer.
Ses compositions étonnamment obsessionnelles sont peuplées d’êtres étranges aux regards angoissés tous en liaison les uns avec les autres. Les yeux s’écarquillent, les bouches s’ouvrent sur des cris silencieux mais le trait sensuel et l’harmonie des couleurs transforment la détresse en poésie de l’étrange.
Ses compositions étonnamment obsessionnelles sont peuplées d’êtres étranges aux regards angoissés tous en liaison les uns avec les autres. Les yeux s’écarquillent, les bouches s’ouvrent sur des cris silencieux mais le trait sensuel et l’harmonie des couleurs transforment la détresse en poésie de l’étrange.
Extraits d’un article de Pauline Mérange pour le n° 289 de Cimaise
« Je
suis né à Paris, non loin de la Tour Eiffel, je ne sais pas qui était mon père
ce qui explique peut-être pourquoi j'ai toujours eu une certaine fragilité et
une instabilité psychologique. Ma mère était femme de ménage dans une famille parisienne,
ayant quitté sa Bretagne natale pour chercher du travail.
J'ai commencé à dessiner à l'âge d'environ 8 ou 9 ans, je ne me souviens pas exactement quand, mais j'ai aimé être avec seulement mes crayons et mes feuilles de papier blanc. Plus tard, j'ai voulu aller au collège d'art, mais malheureusement, ce n'était pas possible.
J'ai commencé à dessiner à l'âge d'environ 8 ou 9 ans, je ne me souviens pas exactement quand, mais j'ai aimé être avec seulement mes crayons et mes feuilles de papier blanc. Plus tard, j'ai voulu aller au collège d'art, mais malheureusement, ce n'était pas possible.
J'ai
surmonté ce revers en choisissant d'être un pâtissier, qui est en fait un
métier très passionnant et créatif et que je suivis pendant 19 ans de 1978 à
1997.
Durant ces années, je n'ai plus fait un dessin et c'est alors deux mois avant la naissance de mon fils, et sans formation formelle j'ai de nouveau pris mes crayons et j’ai repris le processus de création, sans doute parce que j'ai aussi besoin de donner naissance à quelque chose.
Durant ces années, je n'ai plus fait un dessin et c'est alors deux mois avant la naissance de mon fils, et sans formation formelle j'ai de nouveau pris mes crayons et j’ai repris le processus de création, sans doute parce que j'ai aussi besoin de donner naissance à quelque chose.
Pour
commencer, ce n'était qu'un passe-temps, juste pour mon propre plaisir, mais
ensuite les choses ont commencé à changer. Après que j'ai fini ma journée de
travail, j’étais entièrement pris en charge par la nécessité de créer. Il était
vital que je devienne «un artiste» de sorte qu'il y aurait quelque chose de moi
laissé après ma mort.
J'ai donc décidé de quitter, non seulement mon travail, mais aussi Paris, et d'aller vivre à la campagne avec ma petite famille.
J'ai donc décidé de quitter, non seulement mon travail, mais aussi Paris, et d'aller vivre à la campagne avec ma petite famille.
. Tout
allait bien jusqu'à ce que je rencontre un artiste local, enseignant à l'école
d'art au Mans, qui en voyant mon travail, l’a critiqué sans pitié, ce qui m’a
conduit à une grave dépression dans les années 2000 et 2001. Le traitement
médical suivi, des anti- dépresseurs et anti- psychotiques, furent suivis par
la destruction d'une grande partie de mon travail. Après cet épisode, j'ai recommencé
à partir de zéro à produire les dessins que vous connaissez.
Qui
suis-je? Certainement quelqu'un de fragile, profondément mélancolique, un jour
joyeux, l’autre abattu, parfois même agressif
envers les gens. Cependant en général, je suis une personne assez agréable mais
un peu antisociale lorsque je suis
confronté à trop de gens. Quand je me sens mal à l'aise je deviens
maladroit et extrêmement timide.
En fait, même à l'adolescence j'ai eu des attaques de panique lorsque j’étais dans une foule et je dus prendre des anti- dépresseurs.
En fait, même à l'adolescence j'ai eu des attaques de panique lorsque j’étais dans une foule et je dus prendre des anti- dépresseurs.
J'ai
toujours été attiré par les choses étranges. Ma mère me disait même quand j’étais enfant que j'étais attiré par ceux en marge de la société, les
clochards inadaptés, etc… De l'enfance, j'ai toujours aimé l'ambiance des
cimetières, le silence de la mort douce et tous ces fantômes errants.
crayon de couleur sur carton fort |
Je crois
vraiment qu’une puissance supérieure m'a donné une force réelle que possèdent
tous les vrais artistes, une force qui peut influencer la matière faisant
passer du monde invisible au monde visible. Une force métaphysique entre les
morts et les vivants. C'est comme la drogue, et l'on ne peut sortir indemne.
Une fois, j'ai demandé à un
psychanalyste à qui j’avais montré une de mes peintures s'il pensait que
j'étais fou. Il m'a répondu que je n'étais pas fou, mais que j’avais tout
simplement ouvert une porte dans mon subconscient, peut-être les fameuses
portes de la perception? Quoi qu'il arrive je vais aller au bout de ma
quête. »
http://www.outsiderart.co.uk/lorand.htmlcrayon de couleur sur carton fort |
« Tout est connecté, avec une correspondance
entre les sphères naturelle, humaine et spirituelle. Dans mes tableaux, les
matrices fonctionnent en réseaux. Un peu comme les mathématiques avec leurs
ensembles et sous-ensembles qui s'imbriquent les uns dans les autres. Elles
sont cosmos, planètes, cellules, ventres en gestation.
Divinité 2003 |
Mon univers est constitué d'entités
entièrement féminines. On peut voir dans mon travail la dualité du beau et du
laid, du Bien et du Mal, de la vie et de la mort, du microcosme et du
macrocosme, de l'inframonde et du supramonde.
Parfois je ne sais pas si la faculté de créer
est un don du ciel ou un don du diable. Cela a induit un bouleversement radical
dans ma vie. Je dessine au moins huit heures par jour week-ends compris. Et ce
travail obsessionnel, jouissif bien sûr, occasionne aussi des dommages
collatéraux. Il absorbe toute mon énergie psychique. Il me coupe de la réalité
du quotidien. »
Joël Lorand
Depuis
quelques années, Joël Lorand est l’auteur d’un conte terriblement noir
fouissant des profondeurs que cet autodidacte, innocent jusqu’à la trentaine de
l’action de peindre, n’avait jamais auparavant soupçonnées en lui !
La vie ou son moi profond l’ont-ils donc tiraillé si fort que, soudainement,
comme on livre un secret trop lourd à porter, il s’est lancé de façon
obsessionnelle dans un art « né de la nécessité » ?
En tout cas,
la mort y est omniprésente, sous forme de missiles éjectés au-dessus des têtes
de « la foule » et de torpilles menaçantes posées au hasard des
« routes »… observant d’un visage sardonique « Le Messie
(qui) est revenu » … en lévitation, accompagnant comme un
autre lui-même, la « Solitude du condamné à mort » …
grimaçant de toutes ses dents à la place du réservoir d’essence au-dessus
duquel est assis un individu inconscient du danger, etc.
Exposition-Jon-l-Lorand14 |
Le sexe est,
lui aussi, apparu semble-t-il, de façon tout à fait involontaire dans l’œuvre
de Joël Lorand. Mais bien là, pourtant, sous formes d’arbres-champignons turgescents,
aux houppiers entourés de pilosités qui en accentuent l’érotisme ;
sagement alignés à l’horizon de chaque toile parce que cet artiste, comme
beaucoup de Singuliers, ne connaît pas la perspective.
Freaks |
Et les
protagonistes y sont tous en « voyages » immobiles, mais un
immobilisme qui n’est pas innocent : Que font, en effet, ces personnages,
sur leurs vélos de guingois ou leurs chevaux bariolés lourdement caparaçonnés
de bandelettes nerveusement griffées ; postés à l’avant-plan sur la route
serpentine qui commence à un visage humain, sinue en pointillés ou en taches
incertaines, bifurque à la verticale le long du flanc gauche de la toile ;
et se termine à un autre visage, animal celui-là, sorte de spermatozoïde géant
hérissé de vibrilles ?
Freaks |
N’affrontent-ils
pas l’intrus situé en off qui, de « regardeur » devient le
regardé ; lui faisant face en arborant tantôt un sourire ironique, tantôt
un visage assombri sous leurs chapeaux hauts-de- forme ? Et leurs bras
écartés à l’horizontale ne barrent-ils pas le chemin, lui refusant
subséquemment le droit d’entrer dans leur monde ?
Des mots,
présents dans la peinture pourraient en donner une clef ; manuscrits, qui plus
est, pour souligner l’intensité, l’intimité et la complicité que le peintre,
lui, entretient avec ses créatures ; rompant, ou au contraire prolongeant les
rythmes picturaux ; corroborant ce que « racontent » les
« histoires » mises en scène ; confirmant qu’il n’est pas au
mieux avec la civilisation contemporaine et avec l’officialité.
Malgré tout,
subsiste parfois un brin d’humour, comme ce titre à double sens, Votre fils
peut en faire autant, où il est pour le lecteur, impossible de deviner s’il
s’agit de la prouesse gymnique du personnage ou de cette phrase qui revient
trop souvent dans l’appréciation de la peinture par le public, lorsqu’elle
n’est ni académique, ni froide et raisonnée ?
Toutes ces
implications sociales et psychologiques se déroulent sur fonds de murs lépreux
réalisés à lourdes traînées de couleurs « sales » (sans que ce mot
ait rien de péjoratif) du pinceau chargé de matière ; couverts de
hachures, multiples scarifications, infimes pictogrammes, fleurs grises faisant
« au bas » du tableau le contrepoint des arbres… Poésie de l’étrange
et du mal-être qui, tel un tourbillon entraîne l’artiste très loin du
quotidien…dans un sombre univers. Jusqu'à ce que, à bout de délire, il se
reprenne, et rétablisse une sorte d’équilibre en ajoutant des flèches, des
formes géométriques piquetées de croix, des spirales, etc… Comme si ces ajouts
plus « calmes » étaient sa résistance à ses fantasmes ; un moyen
de conjurer l’angoisse dont témoigne son œuvre encore en gestation certes, mais
déjà puissante comme ces plantes vénéneuses dont le lourd parfum engendre le
vertige de quiconque les respire…
A visiter:
http://lesgrigrisdesophie.blogspot.fr/search/label/Jo%C3%ABl%20Lorand