Wifredo Óscar de la Concepción Lam y
Castilla, dit Wifredo Lam, est né à Sagua la Grande
à Cuba le 8 décembre 1902.
Peintre cubain, initiateur d’une peinture métissée alliant modernisme occidental et symboles africains et caribéens créant ainsi un langage singulier et contemporain. Proche de Picasso et des surréalistes qui le reconnaissent comme l’un des leurs, il côtoiera également les Imaginistes, Phases et CoBra.
Peintre cubain, initiateur d’une peinture métissée alliant modernisme occidental et symboles africains et caribéens créant ainsi un langage singulier et contemporain. Proche de Picasso et des surréalistes qui le reconnaissent comme l’un des leurs, il côtoiera également les Imaginistes, Phases et CoBra.
« Lam, c’est aussi l’âme de ce temps dans son combat pour la
justice, pour la libération des réalités longtemps opprimée». Lam poursuit le même combat que le poète
martiniquais Aimé Césaire, « peindre le drame de son pays, la cause et
l’esprit des Noirs ». Il a inventé un langage propre, unique et original,
pour « défendre la dignité de la vie».
Wilfredo Oscar de la Concepción Lam y Castilla est né en 1902,
année de la proclamation de la république, après plus de trois siècles de
domination espagnole. Le « l » de son prénom ayant disparu quelques
années plus tard à la suite d’une erreur administrative, il adopte complètement
ce nouveau prénom de Wifredo.
Chant dans la forêt ,1968 |
Wifredo
est le huitième et dernier enfant d'un couple aux origines fort différentes et
d'une grande différence d'âge. Sa mère, Ana Serafina Castilla, née en 1862, est
une mulâtresse descendant d’Espagnols et de Noirs du Congo déportés. Son père, Enrique
Lam Yam, né vers 1818, est un Chinois originaire de la région de Canton qui a
émigré vers les Amériques. Il s'installe en 1860 à San Francisco puis, dix ans
plus tard, migre une première fois vers Cuba avant de rejoindre de Mexique en
1880.
Il s'installe définitivement à Cuba, dans la ville de Sagua la
Grande où il tient commerce et, homme lettré connaissant de nombreux dialectes
cantonnais, exerce la profession d'écrivain public pour les émigrants chinois.
Ce dernier meurt en 1926, à l’âge de cent huit ans. Son épouse lui survit
jusqu'en1944.
Sagua la Grande est une petite ville sur la côte nord,
centre sucrier de la Province de Las Villas. harpe astrale |
C’est là qu’il passe son enfance, dans un environnement mêlant
plusieurs civilisations et croyances : le catholicisme cubain auquel
appartient sa mère qui le fait baptiser lorsqu'il a 5 ans, le culte des ancêtres pratiqué par son père
chinois et les traditions africaines, liées à la santeria, que lui apprend
sa marraine, Antonica Wilson, dite Mantonica, une prêtresse très
renommée de ce rite. Il apprend auprès d’elle les rudiments du culte et de ses
mystères, sans jamais être initié. Elle lui ouvre un monde peuplé d’esprits et
d’invisibles.
Lam fréquente une école publique dans un quartier populaire de sa
ville natale et c'est dès l’âge de sept ans que naît sa vocation d’artiste et
qu’il se passionne pour le dessin. Il s’intéresse très tôt aux œuvres de
Léonard de Vinci, Diego Velasquez et Francisco Goya mais
aussi de Paul Gauguin ou Eugène Delacroix.
horizons chauds vers 1968 |
En
1916, Wilfredo et une partie de la famille s'installent à La Havane tandis que
son père, déjà très âgé, reste à la campagne. Wilfredo s'exerce au dessin et à
la peinture dans les jardins botaniques de la ville. Il abandonne des études de
droit pour suivre une formation artistique et devenir portraitiste.
la confidence 1947 |
De 1918 à 1923, Lam est inscrit à l’Escuela Profesional de Peinture de San Alejandro. Il est l’élève
des peintres Leopoldo Romanach et Armando G. Menocal. C'est à l'âge de 21 ans
qu'il prend la nationalité cubaine, étant jusqu'alors chinois par sa filiation,
expliquant par après qu'il s'est toujours senti avant tout cubain malgré son
sang chinois.
la jungle 1942, 44 |
De 1924 à 1926, à Madrid, il rejoint la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando. Les cours sont
donnés par le directeur du Prado, portraitiste et professeur, qui ne jure que
par la tradition, Fernando Alvarez de Sotomayor qui avait été le maître de
Salvator Dali.
À partir de 1925, à Madrid, pour échapper à l’enseignement
réactionnaire de San Fernando, il fréquente l’Escuela Libre de Paisaje fondée par Julio Moisés, avec l’aide de
peintres anticonformistes Benjamin Palencia, Francisco Bores, José Moreno Villa
et Salvator Dali.
Lam
vit en Espagne de 1923 à 1938. Il demeure le plus souvent à Madrid, avec
quelques séjours à Cuenca, León puis à Barcelone.
C’est pour le peintre une longue période d’apprentissage et de recherches.
Malgré un enseignement classique, l’Ancien Monde jouera bien le rôle de
révélateur. D’abord par le biais des maîtres anciens. Au musée du Prado, il est
attiré par tous ceux qui dénoncent les tyrannies : Francisco
Goya, Pieter Brueghel, Albrech Dürer, Jérôme Bosch… Il se
sent proche de ces artistes révoltés et contestataires.
Il s’intéresse aussi bien aux origines de l’art, préhistoire,
archaïsme, de l’Occident ou de l’Afrique, qu’aux peintures de Paul Cézanne, d’Henri
Matisse, et surtout de Pablo Picasso qu’il a découvert en 1929. C’est une
révélation. Dorénavant Lam souhaite faire une peinture qui soit aussi
« une proposition générale démocratique […] pour tous les hommes ».
L’Espagne est aussi pour Lam une terre d’expériences tragiques. Aux douleurs
personnelles (la perte d’une épouse et d’un fils en 1931) s’ajoutent les drames
de l’Histoire (la montée du fascisme et la guerre civile). Il s’engage auprès
des Républicains dès le 18 juillet 1936, participe à la défense de Madrid, puis
travaille dans une usine d’armement. Peu avant son départ, il rencontre celle
qui deviendra sa seconde épouse, Helena Holzer.
Les trois oranges |
Lam
quitte l’Espagne en mai 1938 pour Paris où il s’installe jusqu’en juin 1940. Ce
séjour est d’une importance capitale. Il est accueilli par Pablo Picasso qui
sera pour lui un « incitateur à la liberté ». L’Espagnol lui présente
Henri Matisse, Fernand Léger, Georges Braque, Joan Miró, André Breton, Michel Leiris, Paul Eluard, Tristan
Tzara, Christian Zervos…, les
marchands d’art Daniel- Henry Kahnweiler, Pierre Loeb … Par l’entremise d’André
Breton, il fait la connaissance de Pierre Mabille, des surréalistes, Benjamin
Péret, Victor Brauner, Jacques Hérold, Óscar Dominguez, André Masson, Yves Tanguy, Roberto
Matta, Wolfgang Paalen, Hans Bellmer…
Il peint beaucoup et, dans cette vaste expérimentation
stylistique, il reçoit l’approbation de Pablo Picasso qui lui dit :
« Je ne me suis jamais trompé sur toi. Tu es un peintre. C’est pour cela
que j’ai dit la première fois que nous nous sommes vus que tu me rappelais
quelqu’un : moi ». Cette affirmation artistique est aussi couronnée
par deux expositions qui se déroulent à Paris et à New York en 1939.
Personnages 1976 |
Après la
défaite de la France en juin 1940, il quitte Paris et rejoint Marseille, en
octobre, où sont réfugiés des intellectuels et des artistes hostiles au nazisme
dont quelques surréalistes regroupés autour d’André Breton. « J’ai eu des
contacts très profonds avec les surréalistes […] j’étais impressionné par le
côté poétique… un grand combat pour la création… » En février 1941, l’Emergency Rescue Commitee que dirigent
Varian Fry et Daniel Benedite, leur permet de quitter la France. Avec une
première escale à la Martinique (avril-mai 1941) : à Fort-de-France, grâce
à André Breton, ils découvrent la revue Tropiques
et rencontrent ses fondateurs Suzanne Césaire et Aimé Césaire.
Aimé Césaire, Wifredo Lam, 1968 |
Entre le
peintre cubain et le jeune poète martiniquais, c’est le début d’une grande
amitié. Lam se sent proche du combat mené contre l’injustice et le despotisme
colonial par Césaire, Senghor et Damas …
Lam accoste
Cuba en août 1941. Il se sent dépaysé dans son propre pays : « ce que
je voyais à mon retour ressemblait à l’enfer ». Il est révolté par la
misère des Noirs sous le régime de Batista. « Tout le drame colonial de ma
jeunesse revivait en moi ». Ce sera le déclic. Ses toiles deviennent des
armes qui dénoncent et contestent. « Alors j’ai commencé à fabriquer des
tableaux dans la direction africaine », en puisant dans le monde magique
de son enfance, en s’inspirant des cérémonies de la santería ou des rites
abakuas, qu’il apprend auprès de spécialistes ou de connaisseurs, entre autres
l’ethnologue Lydia Cabrera. Mais Lam reste un athée. Il peint le drame de son
pays en faisant revivre les mythologies d’une population brimée et asservie.
Inspiré et bien entouré, Wifredo travaille avec acharnement. Si La Jungle
exposée en 1944 à New York fait
scandale, elle est achetée par le MoMa (Museum of Modern Art) dès 1945. Lam peint désormais dans une
liberté absolue.
La fin de la
guerre est synonyme de voyages, de rencontres, de nouvelles découvertes. Et son
œuvre est l’objet d’une reconnaissance internationale. Rayonnant depuis Cuba,
il se rend en Haïti dès la fin 1945, en France et à New York entre 1946 et 1948
ou – après le coup d’état de Batista le 10 mai 1952 qui réinstalle la dictature
dans l’île - depuis Paris, en Suède en 1955, au Venezuela entre1955, 1956 et
1957, au Mato Grosso en 1956, au Mexique en 1957, à Cuba en 1958, à Chicago
entre1958 et 1960. Sans jamais cesser de
créer. Là des toiles monumentales, totémiques ou mythiques, voire ésotériques,
là des muraux en céramique, là des gravures… C’est le temps des premières
monographies sur son œuvre et, tandis que les expositions s’enchaînent, que les
mouvements artistiques se multiplient qui retiennent son attention (CoBra,
Phases, Imaginisterna, Bauhaus imaginaire, Internationale situationniste…), il
fait des rencontres décisives : John Cage, Arshile Gorky, René Char, Asger
Zorn, Carlos Franqui, Alain Jouffroy Gherasim Luca, , Carlos Raul Villanueva,
Alexander Calder … et Lou Laurin, jeune artiste suédoise, qu’il épouse en 1960…
Cuba, après la révolution castriste, lui réserve un accueil triomphal en 1963.
Lam y fait de fréquents séjours. En 1966, il peint pour le palais présidentiel
le tableau, Le Tiers monde.
À partir de
1957, Lam se rend régulièrement en Italie et séjourne à Albissola, petite ville
balnéaire de la côte ligure. Il y retrouve de nombreux artistes : Asger
Jorn, Enrico Baj, Lucio Fontana, Karel Appel, Guillaume Corneille, Roberto
Matta, Tullio Mazzotti, Piero Manzoni, Dangelo, Edouard Jaguer, Roberto Crippa,
Guy Debord, Fabbri… Séduit par ce milieu libre et amical, favorable à la
création et à l’émulation artistique, il décide d’y passer plusieurs mois par
an. À partir des années 1960, ce sera le point d’ancrage du peintre pour les
vingt prochaines années. Jorn tente plusieurs fois de l’initier à la céramique.
Il n’y prendra plaisir qu’en 1975. C’est dans l’atelier San Giorgio qu’il se
passionne pour cette technique et cette nouvelle « liberté
créatrice ».
Lam qui
expose beaucoup à travers le monde, est également invité aux principales
manifestations d’art contemporain de son époque : Dokumenta II et III de Kassel (1959 et 1964) ; Biennale de Venise (1972). À Paris, il
est fidèle au Salon de mai de 1954 à
1982. Lam organise le transfert du Salon
de mai de 1967 à Cuba où est réalisé Cuba Colectiva, une œuvre exécutée par tous les artistes invités et
leurs homologues cubains.
À partir des
années 1960, Lam produit aussi beaucoup de gravures. Une grande partie de son
travail est destiné à illustrer des albums de poètes, parmi ses plus proches
amis : Aimé Césaire, André Breton, René Char, Edouard Glissant, Alain
Jouffroy, Michel Leiris, Gherasim Lucas,
André Pieyre de Mandiargues, Magloire Saint-Aude, Tristan Tzara…
Lam
travaille dans l’atelier milanais de Giorgio Upiglio, en août 1978, lorsqu’il
est terrassé par une attaque cérébrale. Il en sort à moitié paralysé et cloué
dans un fauteuil roulant. Ce qui ne l’empêche pas de créer, principalement des
dessins gravures, céramiques ou sculptures, mais développe en lui la nostalgie
du pays natal. Dès lors, il partage ces années entre Cuba et Albissola. Il
meurt à Paris le 11 septembre 1982. Des funérailles nationales sont organisées
le 8 décembre à La Havane.
A visiter:
http://www.wifredolam.net/
http://helenablue.hautetfort.com/archive/2010/05/07/wifredo-lam.html
http://agoras.typepad.fr/regard_eloigne/2011/03/il-a-le-droit-luiil-est-negre-loeuvre-metisse-de-wifredo-lam5.html
http://www.paperblog.fr/4327663/il-a-le-droitluiil-est-negrel-oeuvre-metisse-de-wifredo-lam6/
http://www.moreeuw.com/histoire-art/biographie-wifredo-lam.htm
Extrait de « Wifredo Lam » aux éditions « Filipacchi », volume faisant partie de la collection « La Septième Face du Dé », dirigée et réalisée par Jean Saucet. Textes de Gérard Xuriguéra, 1974.
_ Comment
est née votre vocation de peintre ?
_ Je suis né
peintre. Ma vocation est pourtant mystérieuse. Nous trouvons un équilibre dans
les régions les plus obscures de notre volonté. Pour des raisons mal définies,
je me suis rendu compte dès mon plus jeune âge, que je ne pourrais être autre
chose qu’un créateur, peintre ou poète. J’ai étudié le droit romain car ma
famille voulait faire de moi un avocat, mais je n’étais pas intéressé par cette
carrière, je ne voulais pas imposer ma volonté ni qu’on m’en impose une.
…
_ Votre
peinture est-elle un témoignage ?
_ Le
spectacle tragique de la Guerre d’Espagne, ce conflit sanglant entres frères,
m’a profondément touché, plus sur le plan humain que politique. A la suite de
cet affrontement, intensément ressenti, j’ai déversé toute l’énergie de mon
cerveau à la poursuite d’une vérité et j’ai laissé dans ma peinture une trace
de cette douleur.
…
_ « La
vie c’est ce qui meurt », pensez-vous souvent à la mort ?
_ Bien sûr,
j’y pense, tout m’intéresse dans le destin de l’homme, mais je préfère rappeler
une citation du Prince de Piana : « L’homme est un fruit qui mûrit
jusqu’à la mort », et surtout celle de Calderon de La Barca :
« La vie est un songe ».