Fred Deux est né le 1er juillet 1924, à Boulogne-Billancourt. Il est issu d’une modeste famille ouvrière. De santé fragile, il s'intéresse très tôt au dessin.
Il travaille tôt en usine et intègre en 1943 un groupe de résistants FTP. Il terminera la guerre en s’engageant dans les Goums marocains.
A partir de 1948, il travaille à la librairie Clary de Marseille et il découvre la littérature, les œuvres de Georges Bataille, Blaise Cendrars, Louis Aragon, Henry Miller et Donatien Alphonse François de Sade.
Avec quelques lecteurs, il fonde le sous-groupe des surréalistes de Marseille. Il fait la connaissance d'André Breton et fréquente les surréalistes dont il s'écartera en 1954. A la même époque, il découvre l'œuvre de Paul Klee qui constitue pour lui une véritable révélation. Il commence alors, avec de la peinture laque pour bicyclette, à réaliser ses premières taches sur papier. Les œuvres de la première période (de 1949 à 1958), surnommées parfois les "kleepathologies" sont caractérisées par la prédominance de taches qui envahissent la surface du papier. De celles-ci émergent progressivement des figures tracées à l'encre de Chine. Parallèlement, il s'essaie à différentes techniques surréalistes : collages, empreintes, frottages.
Cécile Rems (son nom changera en Reims] est née le 19 octobre 1927, à Paris, Sa mère n'ayant pas survécu, elle est confiée à ses grands-parents maternels en Lituanie et passe son enfance au sein d'une famille nombreuse juive. Elle retourne à Paris en 1933 et s'intéresse au dessin.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Fred Deux rejoint le groupe de Résistance F.T.P. et Cécile Reims s'engage dans l'OJC (Organisation Juive de Combat). Après la guerre, Cécile Reims s'installe à Jérusalem, De retour à Paris, elle apprend la gravure au burin.
Fred Deux et Cécile vont se rencontrer à Paris, en 1951, à la librairie La Hune, boulevard Saint-Germain, et mus d’une passion commune pour Klee, ils se découvrent, s’aiment et produisent. Cinquante ans de vie consacrée à l’art et aux fantasmagories. Plomb et burin, du lourd pour un travail en dentelle, reflet d’un état d’esprit (parfois proche du mystique) et des préoccupations d’une époque, portées par deux esprits libres, voguant entre amour et politique.
Deux œuvres prolifiques et entremêlées, viscérales, proches en un sens de celle de HR Giger. Chez Fred et Cécile, l’impulsion est un cœur qui bat, au rythme des récurrences de thématiques organiques (vagins, foie, sperme…), ésotériques (limbes, mythologie…), des formes oblongues ou carrées, des membranes désarticulées, étirées, sur lesquelles se jettent parfois de la couleur, caresse diluée ou frappant le papier en un assaut saccadé.
Fred l'initiateur, Cécile la créatrice. Des titres comme "Culs" en 1970, "Otages" en 1964-1965, "Herbier charnel" en 2003 ou encore "Locus Solus" en 1986-1987 vous amèneront à quelques unes des plus belles pièces de ces deux compagnons de route, qui se sont nourris tout le long avec avidité d'esprit surréaliste et d'air primitif. Des toiles sous forme de manifeste empli d’humanité, un pamphlet pour le plaisir, une farouche détermination contestataire sous une fragilité trompeuse.
En 1953, la librairie-galerie « Le Fanal » présente la première exposition personnelle de Fred.
En 1957, alité, Fred Deux tape son roman La Gana qu'il publie en 1958 sous le pseudonyme de Jean Douassot. Ce roman est le premier d'une longue série d'écrits largement autobiographiques, dont le dernier manuscrit Entrée de secours, constitue le prolongement et la fin de Continuum, publié en 1999. Cécile Reims grave Les métamorphoses d'après le texte d'Ovide et va tisser des étoffes pour la haute couture.
En 1959, ils s'installent près de Corcelles, dans l'Ain.
En 1961, elle écrit son premier roman autobiographique L'épure.
Ils habiteront successivement Lacoux, dans l'Ain [1959-1973], Le Couzat [1973-1985) dans le Berry, et résident depuis 1985 à La-Châtre-en-Berry.
En 1962 il entame, à l'aide d'un magnétophone, l'enregistrement des Otages, récit de sa vie. Se sentant "otage de lui-même, otage des autres", il dessine d'un crayon acéré des formes incertaines appartenant au monde des limbes, prolifération de cellules qui se désagrègent sur un fond d'aquarelle frotté à la cire.
Plus tard, il réalise au crayon sur papier Japon nacré des dessins qui relèvent de l'organique et du viscéral, ossements, nodules, spirales tubulaires qui préludent au cycle des Spermes Noirs et des Spermes Colorés où le "corps intérieur" devient éclaboussure.
Dès 1966, il se met à prendre des notes sur la feuille avec laquelle il protège le dessin en cours, comme pour répondre à l’« appel du papier ».
Cette coexistence de l'écriture et du dessin trouve, à partir de 1977, sa forme la plus achevée dans les "Livres uniques" (La Malemort, 1980).
Au début des années 80, Fred Deux réalise au crayon de grands Autoportraits, des Passions, qui le conduiront, à partir de 1982, à des dessins de grand format peuplés d'êtres fantasmagoriques, figures du double, figures des autres (Processions des existants, les Milç, les Remz, l'Alter ego).
Les œuvres graphiques développent une cartographie figurative d'une "êtreté" hybride, inquiétante et latente : tout à la fois pétrifiée et proliférante, mémoriale et inédite, c'est une figuration magique, mythographique, et à l'intégrité menaçante et menacée, véritablement fantomale.
Figuration hallucinatoire que l'on pourrait peut-être rattacher au dernier surréalisme.
Après un retour progressif à l'aquarelle au cours des années 90, la couleur, larges "taches" de peinture ou de laque, s'impose dans les toutes dernières œuvres.
Ils ont, depuis cinquante ans, produit un immense corpus : écrits, livres uniques, peintures, dessins, encres de Chine, aquarelles pour Fred Deux ; écrits, tissages, gravures personnelles, d'après Hans Bellmer et Fred Deux.
En 2008, ils font l'objet d'une rétrospective, intitulée « La ligne de partage », à la Halle Saint-Pierre, à Paris. Des galeries (Daniel Cordier, Alphonse Chave, Jeanne Bucher), le Centre national d’art contemporain, l’Ecole nationale des Beaux-Arts de Paris, le Musée Cantini à Marseille, le Musée de l’Hospice Saint Roch à Issoudun, le musée Bochum en Allemagne, le cabinet d’arts graphiques du Centre George Pompidou et la Halle Saint-Pierre ont notamment exposé les œuvres de Fred Deux.
Celles-ci se trouvent en permanence à la Galerie Alain Margaron.
L'œuvre de Fred Deux répond à une quête constante de désencombrement. Durant sa première jeunesse, il se heurte au "mur" de la cave. La rencontre avec l'art ouvre la "brèche" et découvre la dimension poétique au cœur même de ce qui n'était que réalité sordide.
Dès lors, à travers une narration parlée, écrite ou dessinée, il n'aura de cesse de se libérer au fil du temps de cet enfermement initial.
C'est parce que son œuvre tout comme sa vie sont entièrement traversées par un "désir de s'illimiter" que la figure du double y apparaît comme un élément essentiel. Comme si toutes les "nouvelles marches" que Fred Deux entreprend n'étaient que des tentatives sans cesse renouvelées, de s'approcher, sans jamais pouvoir l'atteindre, de cet autre "alter ego" qui est en lui-même.
Empreintes |
sans titre - Lithographie |
A visiter : vidéo et entretien :
http://artup-tv.com/2-article-fred-deux.html http://www.moreeuw.com/histoire-art/fred-deux.htm
http://galerieamargaron.com/artistes/fred-deux-2/
http://lesbandesmagiques.fr/
2001 |Fred Deux offrait aux auditeurs de "Surpris par la nuit", en 2001, le récit d’un moment de sa vie, le souvenir de deux journées de 1953, où il était retourné sur les traces de son enfance, à Boulogne Billancourt. "Fred Deux : la vie, les yeux ouverts" (1ère diffusion : 09/02/2001).