James Ensor est né le 13 avril 1860 à Ostende (ville néerlandophone de Belgique, située en Région flamande dans la province de Flandre-Occidentale). En 1883, il est l’un des membres fondateurs du groupe bruxellois d'avant-garde "Les Vingt". Tous les artistes se heurtent à l'incompréhension de leurs contemporains, mais le belge James Ensor, en ressentit une telle humiliation qu'il projeta sa colère sur la toile, pour se venger, en donnant naissance à d'inquiétantes mascarades, qui continuent aujourd'hui de fasciner...
James Ensor est né d'un père anglais anticonformiste, ingénieur raté, qui sombrera dans l’alcoolisme, et d'une mère ostendaise qui n'encourage guère sa vocation artistique. Commentant sa naissance lors d'un banquet offert en son honneur, il s'exprime en ces termes : « Je suis né à Ostende, le 13 avril 1860, un vendredi, jour de Vénus. Eh bien ! Chers amis, Vénus, dès l'aube de ma naissance, vint à moi souriante et nous nous regardâmes longuement dans les yeux. Ah! Les beaux yeux pers et verts, les longs cheveux couleur de sable. Vénus était blonde et belle, toute barbouillée d'écume, elle fleurait bon la mer salée. Bien vite je la peignis, car elle mordait mes pinceaux, bouffait mes couleurs, convoitait mes coquilles peintes, elle courait sur mes nacres, s'oubliait dans mes conques, salivait sur mes brosses. »
Le jeune Ensor vit à Ostende au milieu des coquillages, des chinoiseries, des verroteries, des masques et des animaux empaillés qui peuplent la boutique familiale. Les heures passées dans ce décor coloré et fantastique, influencent son inspiration. Ensor leur confère un sens symbolique qui conduit à une méditation sur la mascarade de la vie face à la mort. Cette alliance de dérision et de tragédie fera de lui un précurseur de l'expressionnisme.
A treize ans, Ensor suit des cours de dessin chez deux artistes locaux: Edouard Dubar et Michel Van Cuyck. Dans la biographie du catalogue raisonné James Ensor, Xavier Tricot indique qu'il montre davantage d'intérêt pour le dessin que pour les cours donnés par ses professeurs du collège de Notre-Dame.
En 1877, il s'inscrit à l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, dirigée par Jean-François Portaels où il se lie d'amitié avec Fernand Khnopff et Willy Finch et fait la connaissance de la famille Rousseau qui l'introduit dans les milieux artistiques et intellectuels de la capitale. Ses professeurs sont Joseph Stallaert et Joseph van Severdonck. Mais il s'insurge contre l'académisme «Je sors et sans façon de cette boîte à myopes» (il quitte l'Académie en 1880) et décide de retourner s'installer chez sa mère où la lumière de la cité balnéaire lui inspire des pâleurs secrètes. Ensor sculpte cette lumière et est fasciné par le pouvoir de recréer les choses ou de les vider de leur contenu familier : « La lumière déforme le contour. Je vis là-dedans un monde énorme que je pouvais explorer, une nouvelle manière de voir que je pouvais représenter. »
C'est entre 1887 et 1893 qu'il peint ses plus beaux tableaux : la gamme chromatique prend feu au milieu des nacres translucides des ciels et des marines. Contemporaine des Van Gogh et des toiles d'Edvard Munch, son œuvre contient les futures révolutions du fauvisme au mouvement Cobra .
Il va donc mettre en évidence les aspects grotesques des choses, rehaussés de manière surréelle, et s'orienter vers une vision du monde radicale, sarcastique et insolente. Comme chez Pieter Bruegel l'Ancien ou Jérôme Bosch, l'inanimé respire et crie. Ses obsessions et ses peurs jouent un rôle manifeste dans les traits menaçants qu'il attribue aux objets utilitaires, aux revenants et aux masques. Ces derniers, à partir des années 1880, dominent son inspiration et renvoient au carnaval, ce « monde à l'envers », anarchique où les rapports sociaux sont démontrés par l'absurde. La foule considérée comme une menace, un cauchemar, sera le thème de nombreuses toiles. Il entretient avec elle des rapports ambivalents: solidarité envers les revendications des défilés contre l'Église et le roi mais aussi, crainte bourgeoise d'un homme retiré du monde.
Dans la maison familiale où, célibataire convaincu, il vivra jusqu'en 1917, Ensor s'installe un cabinet dans les combles et commence à peindre des portraits réalistes ou des paysages inspirés par l'impressionnisme. A cette époque, il écrit : « Mes concitoyens, d'éminence molluqueuse, m'accablent. On m'injurie, on m'insulte : je suis fou, je suis sot, je suis méchant, mauvais... ». Ce sont finalement des écrivains comme Maurice Maeterlinck et Émile Verhaeren qui vont comprendre son œuvre qui ne fut appréciée à sa juste valeur qu’après la Première Guerre mondiale.
Il entame alors une de ses périodes les plus créatrices.
En 1883, Octave Maus fonde le cercle artistique d'avant-garde «Les XX » et Ensor peint son premier tableau de masques, et un autoportrait auquel il ajoutera plus tard le « Chapeau fleuri ». En 1888, l'année de sa rencontre avec Augusta Boogaerts qu'il surnomme la Sirène et à qui il écrira 250 missives platoniques, il peint son Entrée du Christ à Bruxelles sa toile maîtresse, (il n'a que vingt huit ans) dans laquelle toute l'originalité provocante et tout l'art d'Ensor se concentre. Cette œuvre est refusée au Salon de XX et il est question de l'exclure du Cercle dont il est pourtant l'un des membres fondateurs. Le groupe se sépare quatre ans après pour se récréer sous le nom de La Libre Esthétique. L'année suivante, toutes ses toiles sont rejetées du salon de Bruxelles et il est mis à l'écart du Cercle des Vingt. Ulcéré, Ensor bascule dans la déraison. Désormais, seul contre tous, il couvre et balafre ses toiles de couleurs rougeoyantes symbolisant son exaspération.
Artiste pluraliste, il l'est également dans son style et ses techniques: toile, bois, papier, carton, couteau à palette, pinceau fin ou spatule... : « Chaque œuvre devrait présenter un procédé nouveau », écrit-il à André de Ridder. Il s'est aussi lancé dans la gravure : « Je veux survivre, et je songe aux cuivres solides, aux encres inaltéraDans un but purement alimentaire, il édite des eaux-fortes, les fameux « biftecks d'Ensor », œuvres purement commerciales mais qui ont fait alors la fierté des marchands de souvenirs. Il réalise aussi des caricatures, laissant libre cours à sa verve gouailleuse, avec un trait racé, canaille et pourfendeur à la manière de Bruegel et de Bosch. Ses scènes de baigneurs fesses à l'air dans des postures hilarantes sont des chefs d'œuvres du genre. Par sa prédilection pour les personnages masqués, les squelettes, qui, dans ses tableaux, grouillent dans une atmosphère de carnaval, Ensor est le père d'un monde imaginaire et fantastique qui annonce le surréalisme.
Des pantins affublés de masques grotesques, ressemblant à ceux dont sa grand-mère faisait commerce, envahiront désormais ses tableaux. Ils seront bientôt rejoints par des squelettes, des gnomes et des diables. Ensor vise les critiques qui vilipendent ses toiles autant que la bêtise de ses contemporains, infâmes poissardes, médecins douteux ou stupides vacanciers d'Ostende. Il illustre de cette façon l'absurdité du monde, la vanité de l'existence. Même si ce goût du travestissement macabre s'inscrit dans la tradition flamande, il déconcerte le public. Incompris, meurtri, Ensor se représente sous les traits du Christ martyrisé.
Ensor doit attendre le début du siècle suivant, alors qu'il a donné le meilleur, pour assister à la reconnaissance de son œuvre, expositions internationales visite royale, anoblissement (il est fait baron), légion d'honneur. Il est désormais surnommé le « prince des peintres », mais il a une réaction inattendue face à cette reconnaissance trop longtemps attendue et trop tard venue à son goût : il abandonne la peinture et consacre les dernières années de sa vie exclusivement à la musique.
James Ensor était un mélomane averti faisant intervenir couramment des éléments musicaux dans ses œuvres picturales. Alors qu’il ne lit ni n’écrit la musique, le peintre laisse à la postérité une série de compositions dans le style de la musique de salon à défaut de laisser traces des improvisations originales au piano et à l’harmonium qui ravirent et surprirent ses contemporains.
En 1942, la radio annonce par erreur son décès. Il revêt alors un costume de deuil et va se recueillir sur un monument, érigé à sa gloire quelques années plus tôt. Ensor retrouvait là son ironie d'antan.
Il décède le 19 novembre 1949 à Ostende, à l'âge de 89 ans, laissant une œuvre dont se réclameront des artistes tels qu'Alechinsky, Nolde, Grosz ou Kubin et est inhumé quatre jours plus tard dans le cimetière de Mariakerke, près d'Ostende.
Si la vie privée d'Ensor reste mal connue, c'est parce que l'artiste l'a désiré ainsi. Le peintre s'est construit une existence de silences, de mensonges et de mystifications mais également une existence de beauté, de vérité et de veine poétique.
King Pest (1880), after Edgar Allan Poe |
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