mardi 8 novembre 2011

Guillaume Pujolle


(Extraits du fascicule n°4 des publications de l’Art Brut – Paris 1965)
Guillaume est né le 18 juin 1893 à Saint Gaudens en Haute-Garonne. Son père était ébéniste spécialisé dans la restauration des œuvres d’art. Il était tenu pour un ouvrier de talent et travaillant régulièrement à des ouvrages difficiles. A la suite de dettes de jeu, il dut vendre son artisanat et mourut accidentellement à cinquante-cinq ans. Sa mère par ailleurs normale, d’un caractère doux et tranquille, devint mélancolique et triste à la suite des mauvaises affaires de son mari. Elle mourut en 1926.
 Guillaume fut l’aîné de quatre enfants. Son frère cadet, Pierre, avait beaucoup de goût et de dispositions pour le dessin. On le considérait dans son entourage comme un artiste et on lui reconnaissait des dons incomparables à ceux de Guillaume. Sans la faillite de son père, il eût été dirigé sur les Beaux-Arts.
Guillaume est né un an après le mariage de son père qui avait alors 25 ans.
A l’âge de deux ans, au cours d’une chute, il se fracture les os du nez et garde de cet accident un aplatissement nasal qui jouera un rôle dans son histoire affective.
Il va en classe jusqu’à quatorze ans, échoue d’un point au C.E.P. Il se signale comme n’ayant aucune tendance à la spéculation intellectuelle abstraite, mais se montre d’une grande habileté manuelle. Il manifeste, à cet âge, le désir de travailler avec son père et d’apprendre le métier, qu’il exercera jusqu’à dix-huit ans, dessinant des plans de meubles et les fabriquant.
Sa sœur dresse de lui ce portrait : « sérieux, méticuleux, sensible et taquin. Il ne s’occupait guère que de son travail et se révélait un excellent ouvrier. 
 Il était sociable, avait de bons camarades avec qui il sortait volontiers, mais préférait à tout une petite vie tranquille dans le cadre de sa famille. On ne lui a connu aucune liaison sentimentale. Très affectueux mais capricieux, c’était l’enfant gâté de la famille, celui dont on redoutait les colères, par ailleurs vite éteinte, et à l’autorité exigeante de qui on cédait très souvent. 
Seule une méticulosité exagérée et une véritable phobie du désordre et de la saleté marquent alors le pathologique de ce caractère, ou tout au moins, ses tendances à l’obsession…
… Les affaires de son père allant de mal en pis… le 24 avril 1913, le jeune Guillaume part s’engager. C’est là, dans cette fugue organisée, sa première réaction et le début d’une mise en marge de la vie qui ne fera que s’accentuer…
Pendant la guerre, il est hospitalisé pour dysenterie et paludisme, fait prisonnier, envoyé dans un camp de représailles pour conduite inconsidérée et libéré en 1919…
 De retour chez lui, nouvelles mésententes et nouveaux heurts avec son père, il part à Metz où il est préposé aux Douanes et y restera jusqu’en 1926… 
Il s’intéresse à la politique, se marie en 1924 après six mois de fiançailles et vit chez sa belle-mère avec une petite nièce. Le ménage n’a pas d’enfant.
Dès le début du mariage, il manifeste des troubles de caractère qui compromettent souvent la paix du ménage. Progressivement (nous sommes en 1925 et il a 32 ans), les troubles de caractère empirent.
De plus en plus noyé dans un inconscient dont elle devient la proie, l’inquiétude augmente et s’ordonne spontanément autour de la jalousie qui la favorise en lui apportant l’unité et la direction qui lui manque. Il en arrive à se trancher la gorge avec un canif. Hospitalisé pour ses blessures le 9 juillet 1926 il est transféré à l’asile Cadillac avec le certificat d’admission : « syndrome mélancolique, auto-accusation, idées d’humilité, idées de suicide ». En 1926, sa femme le fera transférer à l’hôpital de Braqueville à Toulouse où elle s’engagera infirmière, l’année suivante. Le 7 septembre 1927, sur la demande de sa sœur, il est réformé sans pension d’invalidité avec la diagnostique suivant : « A.T.D. Délire systématisé avec idées d’influence et d’auto-accusation. Aspect mélancolique. Affection nécessitant l’internement.»…
Les premiers dessins connus de Guillaume datent de 1935 et il avait alors 42 ans. S’étant disputé avec un infirmier, relate le Dr Dequeker, il aurait fait de lui, avec des couleurs de fortune prises au laboratoire dont il avait accès, une caricature bouffonne. Le succès obtenu auprès des malades et de l’entourage par cette caricature aurait été le point de départ de son assiduité à dessiner… Le style, très déconcertant, très autoritaire des caricatures du ministre Laval  et du président Poincaré qui sont au nombre des plus anciennes qui se soient conservées, caractérise ses travaux comme étant déjà pleinement constitué. 
 Ce qui donne à penser que cette activité de dessinateur n’est pas là à son début et que d’autres dessins faits antérieurement (très antérieurement peut-être) et au cours desquels ce style se serait peu à peu formé, ont disparu sans laisser de traces. Ou bien ces dessins sont-ils vraiment les premiers ? A-t-il dès le départ obtenu des œuvres pareillement imposantes ? C’est peu concevable mais ce n’est pas exclu…
Depuis les productions de 1935, Guillaume n’a cessé de dessiner. Il le fait le plus souvent sur invitation, et la plupart de temps, par séries de quatre, cinq dessins ou plus, destinés aux personnes qui lui témoignent de l’intérêt et lui fournissent papier, encres et crayons. Il passe par des périodes de grande productivité et des périodes pendant lesquelles il est incapable de produire. Il reconnaît lui-même ce rôle de catharsis du dessin et dit fréquemment : « Je dessine pour passer le temps, je me calme en dessinant ». Nous tenons du Dr Auguste Perret que Guillaume ne dessine jamais sinon à partir d’une image découpée dans quelque journal, dans un calendrier, dans une étiquette illustrée, et qui joue le rôle d’inducteur. Il ne copie pas cette image, il s’en inspire à sa façon et fait curieusement, partant d’elle, quelque chose de tout autre.
Guillaume Pujolle est décédé à Toulouse en 1971.


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