Peintre français d'art brut, relié au groupe des "médiumniques".
Il est né en 1875 à Hénin-Liétard, actuellement Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. Durant son enfance et son adolescence, il souffre souvent de troubles oculaires et il subira deux opérations. Après son certificat d’études, il sera tour à tour plombier-zingueur, quincailler et puisatier en plein pays minier. Il travaille d'abord dans l’entreprise familiale puis créera sa propre entreprise. Vers l’âge de 25 ans, il compose pour clarinette puis il dirige une fanfare de trompettes et de cors. En 1901, il se marie et s’établit donc plombier zingueur, sa femme tient la quincaillerie. Durant ses loisirs, il joue de la musique pour les bals mais avec la guerre de 1914, ce monde de fêtes populaires vacille. A cause de sa mauvaise vue, Crépin n’est pas mobilisé mais il est réquisitionné à l’arrière. Il ne rentre de cet exil qu’en 1920 dans une région dévastée par les combats. En 1927, sa fille aînée tombe malade et deviendra folle à vingt-cinq ans. Il abandonne la direction d’orchestre mais il continue à copier de la musique pour ses amis. Vers 1931, il manifeste un intérêt pour la radiesthésie: son don de sourcier lui permet de déceler une source d’eau. Sa curiosité grandissante, il rentre en relation avec un membre du cercle spiritualiste de Douai et fait la connaissance de Victor Simon et Augustin Lesage, peintres médiumniques. Sur les conseils de ses amis, il devient alors guérisseur. Il soigne par imposition directe des mains sur des malades, puis à distance à l’aide de fiches. Crépin commence à s'adonner à de modestes dessins numérotés avec précision, sur de simples cahiers quadrillés, qu'il reprendra plus tard pour composer ses peintures. Entre temps, il exécute quelques travaux aux crayons de couleur qui sont certainement ses plus belles œuvres. A soixante-trois ans, en 1938, en recopiant une partition musicale sur les carreaux d’un cahier d’écolier, il réalise sa première improvisation graphique, guidé uniquement par la symétrie du quadrillage. Persuadé de devoir cette inspiration à la protection de ses anges gardiens, il commence une œuvre riche de trois cent quarante-cinq tableaux qu’il accomplira en neuf ans.
Les couleurs lui sont données par les Esprits, il n’intervient jamais dans le choix des couleurs. Il travaille seul aussi bien le jour que la nuit et son plus grand plaisir : « est d’entendre de la musique pendant que je peins. Il y a des moments où je vois des ombres sur ma droite, ce sont sûrement mes guides et j’entends souvent des coups frappés». Malgré ses problèmes oculaires, il ne mettra jamais de lunettes quelle que soit la finesse de ses peintures : « J’ai commencé par peindre à plat, puis de plus en plus fortement en relief, même sur verre ; j’ai fait jusqu’à 1500 points à l’heure ». L’extraordinaire régularité du calibrage de ces points est très impressionnante. Toutes ses œuvres sont des huiles sur toile réalisées d’après des esquisses dessinées, puis transposées et agrandies à l’aide d’un compas, d’une règle et d’un mètre. D’une symétrie hypnotique et d’une perfection quasi mécanique, les tableaux de Crépin sont essentiellement des architectures, des temples, des palais, des motifs purement géométriques, auxquels viennent s’ajouter des figures humaines et animales stylisées. Outre leur symétrie caractéristique, ses œuvres sont dominées par une constante : l’utilisation de motifs perlés (un procédé dont il ne livrera jamais le secret). Fleury-Joseph Crépin dépose sur la toile des centaines de gouttelettes de peinture qui rythment et donnent du relief aux motifs.
Sur ces entrefaites, au milieu de l’année 1939, une voix « mystérieuse » lui parvint : « Le jour où tu auras peint 300 tableaux, la guerre finira ». Et il se met à peindre sur toile, il finit le trois centième le 7 mai 1945. Convaincu de son pouvoir d’arrêter les guerres, il se persuade que le la Seconde Guerre Mondiale prendra fin quand il aura achevé à son trois centième tableau. Ce fut effectivement le cas. Minutieux, il date chacune de ses œuvres, les numérote chronologiquement et les entoure toujours de la même baguette d’encadrement en bois peint. Comme dans les peintures médiumniques d'Augustin Lesage ou de Victor Simon, on y trouve une grande précision et minutie, un goût prononcé pour la symétrie et le motif ornemental, qui peuvent évoquer l'art romano-byzantin ou oriental.
À sa mort en 1948, à Montigny-en-Gohelle, deux Tableaux merveilleux restent inachevés. Jean Dubuffet découvre les œuvres de Fleury-Joseph Crépin en 1946 lors d’une exposition de peintres spirites à la galerie Lefranc, à Paris. Il achète des tableaux pour sa collection d’art brut et les fait découvrir à André Breton. Exalté par cette rencontre, Breton acquiert également plusieurs peintures qui l’accompagneront toute sa vie.
Joseph Crépin est mort d’une congestion cérébrale, le 8 novembre 1948, à Montigny-en-Gohelle, après avoir réalisé 43 nouveaux tableaux. Selon son vœu, on enferma dans son cercueil tous les dessins qui lui avaient servi d’esquisses. Les tableaux de Crépin furent parfois crédités d’un pouvoir prophylactique. L'œuvre de Crépin a fasciné de grands artistes et intellectuels de l'époque comme elle fascine encore aujourd'hui de nombreux amateurs d'art et artistes. "
sources:
L'Aracine-Musée d'Art brut
Extrait de : "Art spirite, médiumnique, visionnaire, message d'outre-monde" aux éditions "Hoëbeke".
Rédigé sous la direction de Martine Lusardy, directeur de la Halle Saint-Pierre du 13 septembre 1999 au 27 février 2000
… L’œuvre de Crépin met en jeu, à une échelle moins grandiose, la même symétrie obsessionnelle que chez Lesage. Ses peintures à l’huile scrupuleusement datées et signées, ont été, du moins au départ, développées à partir d’esquisses faites au crayon sur du papier quadrillé. Son intérêt pour la musique se reflète dans les bribes de notation musicale qu’il sème de temps en temps à travers le champ pictural. Ses motifs habituels sont de petits personnages fixés en des poses acrobatiques. En dehors de quelques allusions naïves qui semblent faites pour souligner le caractère céleste de ses tableaux, par exemple la répétition de soleils ornementaux, il n’y a que peu de traces dans la sémantique de l’image pour confirmer la thèse que Crépin entend nous communiquer les apparences d’une région supra- terrestre. L’aspect le plus curieux des dernières productions est la manière dont l’artiste appliquait des chapelets de gouttelettes de peinture brillante : il se ventait de les produire au nombre de quelque cent cinquante à la minute. On peut voir cette manie itérative comme le complément gestuel de l’état de transe, la répétition automatique conduisant à l’assoupissement de la sensibilité générale et induisant une extase solipsiste.
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